Le cinéma est-it en voie de disparition?
L'image électronique doit-elle remplacer l'image chimique? Les images
de synthèse vont-elles abolir cinéma et vidéo - l'œil
à la caméra - et jeter en désuétude toute une
conception de l'image (et du monde)?
Si ces mutations semblent suivre l'évolution
technologique de notre civilisation, si elles semblent aller dans le sens
d'un futur plus ou moins proche, quel est l'impact de ces mutations sur
l'art contemporain? Quels sont les liens en train d'apparaître entre
technologies et imaginaires?
Les Rencontres Internationales Art cinéma
/ vidéo / ordinateur se proposent d'approfondir ces questions
et de tracer des réseaux en juxtaposant technologies légères
et technologies sophistiquées, images chimiques et images électroniques,
dispositifs optiques et dispositifs numériques.
Spécificités et mélanges
des technologies: un double mouvement.
D'une part, présenter les spécificités
de chaque support (film-vidéo-ordinateur) en faisant apparaître
des techniques visuelles dont on parle peu. Par exemple, pour ce qui est
du film, les interventions plastiques directes sur l'émulsion et
le celluloid (rayographies, peintures, collages, grattages, corrosions)
ou les traitements d'image à la tireuse optique (incrustations,
surimpressions, solarisations, colorations) - la vidéo et l'ordinateur
étant en général et à tort considérés
comme les moyens privilégiés des traitements d'images. Ou,
pour ce qui est de l'ordinateur, à un moment où la synthèse
de l'image et la simulation du réel monopolisent l'attention, rappeler
les compositions abstraites, musicales, sur celluloid, les arabesques fluidiques
de John Whitney qui, dès 1960, a introduit dans les systèmes
numériques un regard purement plastique.
D'autre part, questionner la frontière
qui sépare les technologies à travers les œuvres qui explorent
le potentiel visuel des mélanges. L'interface cinéma/vidéo,
les passages des traitements chimiques aux traitements électroniques
à l'intérieur d'une même œuvre, tels qu'ils sont actuellement
pratiqués par les artistes anglais par exemple, annulent les antagonismes
des supports et ouvrent la voie à des jonctions fécondes.
Techniques mixtes et spécificités
juxtaposées, décloisonnements. Les divers types d'images
temporelles ne peuvent plus s'ignorer mutuellement, les séparations
nous paraissent aujourd'hui anachroniques. Créer des passerelles,
des circulations, des échanges, tel est le but de ces Rencontres.
Mais la réflexion qui s'y élaborera ne se limitera pas aux
discours technologiques. Réintroduire la question du sujet, du corps,
de l'inconscient, de l'imaginaire par des œuvres qui, tout en développant
des recherches visuelles, abordent le désir, le mythe, la fiction,
semble essentiel à un moment où la technologie nous éloigne
des perceptions directes que nous pouvons avoir du monde et de nous-mêmes.
Si l'intelligence artificielle est une "pensée sans corps", le corps
risque l'exil dans un monde à haute médiation technologique.
Mais le corps est aussi ce qui résiste. L'écran technologique
se trouve parfois brisé par des visions intimes - d'amour
et de sexualité.
Degrés de proximité et de
distance, désir du tactile et abstractions du regard, être
charnel et calcul mathématique, sur ces tensions et ces glissements
se construisent les Rencontres.
Maria Klonaris - Katerina Thomadaki, 1990 |