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Nos photographies sont toujours présentées en séquences. La séquence est sous-tendue par l’idée de rythme et de mouvement. Un mouvement arrêté, mais potentiel. Un désir de dépasser les limites définitives du cadre photographique et de prolonger l’image dans l’espace, donc dans le temps. Dans l’idée même de « séquence », le paradigme cinématographique reste agissant.
La réalisation
de la série Angélophanies, composée d'environ
deux cents tirages uniques, variations de la même image, est dûe
à une technique phototypographique de notre conception, un procédé
de tirage par contact à plusieurs couches, produisant parfois des
effets proches du paraglyphe.
La découverte du potentiel multi-strate de l’image photographique a fait basculer notre approche de l’espace et du temps : l’espace de la projection se condense dans le rectangle du papier photographique devenu surface illusoire ouverte à une profondeur abyssale. Des transformations du corps incrustées en écho les unes dans les autres entraînent la temporalité obligée du double et du multiple.
Comme un photogramme cinématographique agrandi, l’image photographique glisse dans le temps. Même si ses doubles restent immobiles, l’image du sujet ne s’immobilise jamais. Dotée du pouvoir multiplicateur des cristaux, la photographie matrice de « l’Ange » génère un temps qui lui est propre, un temps miroirique, de même qu’elle génère son propre espace stellaire.
Opérant avec la lumière nous
incrustons l'espace stellaire dans l'espace de ce corps humain. La matière
corporelle est corrodée par la matière sidérale. Des
corps astronomiques, étoiles, galaxies, nébuleuses, sont
projetés sur l'écran de ce corps. Ils marquent la peau, l'illuminent,
la gonflent, la calcinent. Une hybridation impossible s'opère entre
corps humain et macrocosme, une imbrication de deux mondes sur la scène
d'un corps intersexuel. L'Ange, messager d'autres mondes, corps des étoiles,
devient un ailleurs corporalisé. Il ouvre un espace postcybernétique
- le réseau ici présent ne relie plus des distances terrestres,
mais un corps humain avec des corps galactiques. Le premier entrelacement
incarné par ce corps, celui des sexes, génère un deuxième,
celui des mondes.
M.K. - K.T.
(extrait de Le
Cycle de l'Ange. Archangel Matrix, Paris, A.S.T.A.R.T.I., 1996) |
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